les invités de la semaine: house of moda, les extrémistes de la fête

un article pour Toucher, Voir | publié le 20 octobre 2014

Mieux que monter simplement des soirées, Crame et Reno ont réussi à fédérer une scène entière de danseurs fous, de beautifuls freaks et surtout de noceurs libres comme Paris n’en avait pas vu depuis longtemps. Leur prochain évènement, le 25 octobre, est immanquable (et déguisé) ! L’occasion était trop belle : Adaptation vous fait partager toute la semaine leur univers de paillettes, de glamour, d’un peu de toc… et vous aide à vous préparer vos costumes !

crame

Crame par pierre et florant

 

lundi 20 octobre

House of Moda  nous parle en ce lundi de leur devise « réveiller la diva en soi » 

Diva Diva Diva

Nous étions dans une salle en vitrine sur la rue de Rivoli, et une drag-queen de nos amies, Jessica Triss, lisait devant un public subjugué et des passants qui ne l’entendaient pas un très beau texte (jour normal à Paris).
Nous ne connaissions pas ce texte. Il n’avait aucun rapport avec nos soirées « House of Moda » mais il faisait écho à ce qui nous intéresse. Quel lien entre nos soirées et la mode ? Est-ce une soirée voguing ? Faut-il se déguiser pour venir ? Est-ce que c’est queer ? Pourquoi « réveiller la diva en soi » comme devise ? D’une certaine façon, les réponses se trouvent dans ces extraits de la préface d’un catalogue d’exposition, « Vestiaire de divas », du Centre national du costume de scène. L’auteur : Christian Lacroix.

 

houseofmoda

Jessica Triss, les yeux dans les yeux

 

 

« Casta diva » chante Floria Tosco…

La déesse est chaste. La Diva est divine comme la Macarena, la Vierge de Séville qu’on adore et qu’on insulte aussi. On s’ingénie à traquer la trivialité, le ruisseau, la faisant fille des rues, sans demi-mesure.

Le pire traitement, aujourd’hui, que l’on puisse faire subir à la Diva serait de la ravaler au statut de « people », dont on connaît les amours et le cachet, aussi bien que la griffe et le prix de ses sacs, et pendant l’été la décevante nudité, les infidélités. La vraie star est imputrescible, réfractaire à la pellicule des paparazzis qui jamais n’arrive à l’imprimer, sinon floue, ni à la surprendre dans son « ordinaire », tel le miroir qui jamais ne reflète le vampire. Si elle se prête à l’objectif des tabloïds, elle n’est que « Divette », Vulgum pecus, vulgaire people.

La Diva est bien au-dessus de la simple star, qui se contente de briller et de s’éteindre. Quand la salle se rallume, que le « silver screen » redevient blême, nous refluant vers notre ordinaire, l’aura de la Diva demeure. La Diva transcende les époques et leurs ridicules, dépasse les « genres ».

Elle ne respecte aucune étiquette, elle règne de plus haut, héroïne au masculin, héros au féminin, vierge et martyre, à la fois monstre et proie.

Lorsque le séjour terrestre de la Diva ici-bas est un parcours sans faute sur la scène du monde, elle accède alors au stade suprême, se meut en mythe, en légende.
L’indicible s’en mêle, l’ « au-delà des mots », car si nous en avions les clefs, le charme s’évanouirait. Elle doit nous mettre la fièvre dans le sang, nous mettre des papillons dans le ventre à chaque apparition, à la première intonation.

La Diva doit appartenir à ce genre de constellation, ses apparitions doivent tenir du miracle, du songe, du mirage, du conte de fée. Incarner, par son art protéiforme, chacun de ses personnages, tout en protégeant, désincarnée, l’énigme de son propre corps, de ses propres drames ; habiller ses rôles et travestir ses drames, c’est l’écouter et faire taire les doutes secrets qu’éprouvent, insécures, mêmes les plus grandes.

La Diva, « perfetta », « assoluta », transgresse tous les codes pour échapper aux simples mortels. Elle use de violence pour brouiller les pistes et perpétuer le feu sacré éblouissant qui nous aveugle. Elle explore les abysses du désespoir (tragédie à la scène, suicide à la ville) pour nous faire éprouver les tréfonds de son âme, de son art et de sa condition. La Diva est d’une dimension où consensus et convenances ne sauraient avoir cours ni sens.

Ainsi en va-t-il de la Diva, sanctifiée et déchue, acclamée où haïe, vacillant sur son piédestal comme les effigies lourdement parées et bringuebalées par la houle de la foule, marée dangereuse où elles tanguent. Il en faut du charisme, du sublime, du mystère et de la majesté pour ainsi faire face à tant de passions exigeantes, léviter sans faiblir bien au-dessus du public, des fans, des « ouailles ».

La Diva excite amour et cruauté, on la moque comme on l’encense, on l’exige très haut, très loin dans d’inaccessibles sphères, un idéal propice à nos songes. Mais au moindre faux-pas on la tire par les pieds vers le bas « d’ici », si jamais elle n’a pas su prolonger indéfiniment ce rêve éveillé. On ne la souhaiterait que désincarnée, on ne s’autorise à l’imaginer qu’à travers la gaze du décor, comme si elle n’appartenait pas au commun des mortels.

 

Maria Callas as Floria Tosca in Puccini's Opera.

Maria Callas en Floria Tosca dans l’opéra de Puccini

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