L’invité: Antoine Laurent et ses amis, les ovnis du rap

un article pour Voir | publié le 4 juin 2018

Fin connaisseur du genre, Antoine Laurent livre un livre passionnant sur le hip-hop, ses coulisses et la variété de ses acteurs, intitulé Les Ovnis du Rap. Il y a longuement interviewé des personnalités atypiques, entretiens très éclairants dont vous livrons quelques extraits à déguster en écoutant du bon son… et qui vous donneront l’envie d’en savoir plus sur ces ovnis!

antoine Laurent-les ovnis du rap

Popeye, l’ingénieur du son français qui a le plus bourlingué dans le hip-hop, revient sur ses débuts avec le Secteur Ä. On comprend alors pourquoi cette belle machine de guerre est partie en sucette… et comment lui a rebondi entre le Supreme NTM et Booba.

Tu penses que l’aventure Secteur Ä était vouée à s’arrêter comme ça ?

Tous les membres du Secteur Ä étaient des mecs de quartier qui galéraient. Kenzy est allé les chercher, leur a proposé de monter un collectif et de faire des albums. Les disques se sont vendus, les rappeurs ont pris leur avance et, comme toujours dans ce business, à un moment, l’élève a voulu être plus gros que le maître. Kenzy faisait rentrer beaucoup d’oseille. Petit à petit, les gars ont arrêté de bosser avec lui, car ils pensaient être capables de mieux gérer leur carrière en solo et donc de prendre davantage de thunes. À l’époque, sur les ventes d’un album, un

rappeur produit par une maison de disque touchait entre 9 et 12 %, le producteur tout le reste. Aussi, beaucoup préféraient être producteurs plutôt qu’artistes. Seulement, n’est pas producteur qui veut. Il ne suffit pas d’avoir enregistré un album qui fonctionne. Il faut une équipe, des locaux, une vision… Autant de choses que les membres du Secteur Ä n’avaient pas mesurées quand ils se sont éloignés de Kenzy. Tous ont monté leur petite structure, avec plus ou moins de réussite. Sans une grosse machine, tu n’existes pas dans ce business.

Qu’as-tu ressenti quand Kenzy t’a annoncé la fermeture du studio du Secteur Ä ?

J’ai vu le truc s’effondrer, fondre comme du sucre dans un café. Nous avions un local et du matos de dingue, nous étions les premiers à avoir une structure de cette qualité. Kenzy avait reçu une avance de plusieurs centaines de milliers de francs pour se procurer le matériel : presque le prix d’une maison dans les années 1990 ! Il avait réussi quelque chose de très, très fort. Entre 2000 et 2002, la dynamique s’était perdue, les rappeurs venaient moins en studio et préféraient maquetter de leur côté. Tout prenait plus de temps, et on perdait en productivité. Cela ne pouvait que partir en sucette.

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