Nawell Madani: La patronne du rire

un article pour Voir | publié le 25 juin 2016

Seule femme parmi la troupe seconde génération du Jamel Comedy Club, Nawell Madani appartient à la catégorie des super battantes. Son one-woman show C’est moi la plus belge cartonne d’ailleurs en ce moment dans les salles françaises (et à partir du 12 juillet à l’Olympia) et ce n’est que le début de l’histoire puisque une adaptation cinéma a été faite par ses soins. Nawell Madani est hilarante certes, mais pas que. Rencontre.

Dès que j’ai commencé à monter sur scène il y a 3 ans, j’ai écrit. Au début, je n’avais pas l’intention d’écrire un one woman show. J’avais l’impression que je n’avais pas ma place dans ce milieu et dans ce métier. Je trouvais les autres humoristes plus talentueux que moi. Les meilleurs ont 15 d’expérience et moi, je débarquais ! Comment arriver à ce niveau là ? Cependant, j’ai remarqué au fur et à mesure que les artistes étaient feignants et n’avaient pas la rigueur que j’avais en tant qu’ancienne danseuse. Alors quand je m’y suis mise vraiment, j’ai travaillé du matin au soir et j’ai « pondu » ce spectacle en 6 mois.

 Comment faites-vous pour trouver l’humour dans le quotidien ?

Je suis une boute-en-train dans l’âme. On a tous quelqu’un dans son entourage qui sait raconter les histoires et les rendre drôle. J’avais cette faculté là, et j’arrivais à surprendre mon auditoire. Ensuite, j’ai le sens de l’observation et du détail et j’aime imiter mes amis. Quand on a ces « qualités » là, on est peut-être un humoriste qui s’ignore. Après certaines histoires font rire en soirée et pas du tout, sur scène. Il faut avoir de la précision. Certaines blagues ne marchent pas parce qu’on a changé un mot ou une phrase. Un bon humoriste doit devenir un « rirologue» (rires).

C’est pas du tout l’image du « clow triste » : des gens drôles sur scène mais qui sont parfois très noirs en privé …

J’aime la vie et j’aime rire. Mais nous sommes tous des écorchés vifs. J’essaie d’exorciser tous mes déboires et mes moments de doute sur scène. C’est une sorte de psychanalyse. On va chercher dans nos entrailles et plus on va chercher, plus on est authentique, plus le public va réussir à voyager dans notre histoire, même si elle ne ressemble pas à la leur. On ne va pas se leurrer : pour monter sur scène et se livrer autant, il faut de toute façon avoir pas mal de névroses. Certains sont éreintés … moi, pas encore mais le stand-up est un métier très dur.

Il est également très physique en ce qui vous concerne puisque vous restez presque deux heures sur scène !

Je suis très à l’écoute du public, notamment via les réseaux sociaux. J’ai vu que les gens avaient besoin de rentrer dans une salle et laisser leurs problèmes à l’extérieur. Rester deux heures sur scène, c’est un vrai engagement et je n’en ai pas décroché. Je voulais un spectacle généreux même si il est périlleux pour maintenir l’attention du public. C’est pour cela qu’il y a aussi de la danse et de la musique… Je suis obligée d’aller faire du sport pour le tenir : 4 fois par semaine à la salle et deux fois par semaine les cours de danse quand je ne joue pas. Et corde à sauter en tournée !

C’est un travail quotidien !

Quand on est humoriste, on ne pose jamais sa casquette. Dans la rue, on est interpellé souvent parce qu’on fait partie de la vie des gens, comme un pote et ils s’attendent à ce qu’on soit de bonne humeur, la blague à la bouche. Alors que parfois, tu es en train de faire tes courses, tu n’as pas envie de rire ou de prendre une photo. Les gens te disent alors « ah ben je vous imaginais plus marrante ! ».  Pareil pour la télé où il faut être drôle, te montrer performante. Même en dédicace, les gens s’attendent à ce qu’on continue le show. Après mon spectacle, je suis éreintée. En plus, avec le stress pre-spectacle, j’ai des blocages dorsaux que je dois gérer. Mais, qu’importe ! Le public veut qu’on le rencontre tout de suite. Si on est pas là juste après avec la banane, il est déçu. J’ai donc du apprendre cet exercice, se dédier au public constamment. Les gens sont tellement contents de vous avoir vu, qu’ils sont pressés de vous retrouver… et vous poser 30 minutes dans les loges, ils ne vous l’accordent pas. On exige beaucoup d’un humoriste, beaucoup plus que d’un autre acteur. Même sur la vie privée. Le public attend que vous déballiez toute votre intimité sur scène aussi et ils ne comprennent pas si vous ne le faites pas. Cette curiosité très intrusive, il faut apprendre à la gérer. C’est juste un excès d’amour.

Les gens ont aussi l’impression de vous connaître car vous racontez beaucoup d’expériences personnelles…

Tout à fait. J’invite les gens dans mon intimité et je leur fais partager mes déboires… Mon spectacle aurait pu s’intituler « première fois ». Je leur parle de mes premières menstruations, de mon arrivée à Paris, de ma première audition, de ma première fois avec un homme etc… Tout ce que je raconte sur scène est presque vrai.

Dans votre spectacle, vous évoquez aussi beaucoup votre enfance…

Je n’ai pas été épargnée pendant mon enfance. Il y a des personnes qui endurent plus que les autres et moi, j’ai toujours eu des galères. A deux ans et demi, j’ai été brûlée au troisième degré et j’ai perdu presque 70% de ma chevelure. A l’école, j’étais celle qui avait tout le temps une casquette sur la tête. Ma cicatrice faisait peur et les autres enfants ne voulaient pas jouer avec moi. C’est la danse qui m’a sauvée. Je reproduisais les chorégraphies des clips de la télé. A 8 ans, il y a eu un spectacle à l’école : je suis montée sur scène seule et j’ai dansé. A partir de ce moment-là, je suis devenue la coqueluche de l’école. Je me suis dit que c’était le moyen de gagner des amis. Le fait d’être humoriste aujourd’hui est également lié à ça : ce métier nous apporte plein d’amis. Tout le monde nous invite pour qu’on les fasse rire.  Ce désir d’être aimée qui me motive vient de cet épisode-là de ma jeunesse. Et puis, sans qu’elle s’en rende compte, c’est ma mère qui m’a initiée à la vanne. Elle me disait « observe les autres enfants, tout le monde a un défaut. Note-le. Et si l’un d’entre eux veut te blesser sur ton physique, blesse le aussi ; tu peux désarmer quelqu’un avec une phrase. » Elle avait raison et  cette période a clairement aiguisé mon sens de la repartie.

Est-ce qu’il faut être un peu garçon manqué pour être humoriste au départ ?

Non, mais c’est dans ma nature. Je suis une femme de caractère, avec une forte personnalité. Peu de choses me font peur. J’étais la seule femme parmi 13 hommes au Jamel Comedy Club. Avant de rentrer là-dedans, j’étais danseuse et modèle, je devais effacer cela. Parce que quand une femme gravit les échelons, le réflexe, c’est de dire qu’elle a dû coucher avec quelqu’un. Au DCC, j’étais l’ « atout charme »… Il a fallu que j’affirme que je n’étais pas là parce que «  belle », mais parce que drôle. Gommer la féminité, les décolletés etc… était un moyen d’y arriver. Pour prouver que je pouvais séduire par mon humour. Quand un mec a un rendez-vous avec une nana, il s’attend à ce qu’elle soit belle, discrète, qu’elle rigole à ses histoires… Mais lorsque une nana prend les devants et essaie d’être drôle, elle part limite avec un handicap. Parce que ce n’est pas le schéma classique. Normalement plus la femme rit, plus ça donne le signal à l’homme qu’il a des chances. Si il vous invite à une soirée et que vous commencez à faire rire les gens, que vous devenez le centre de l’attention, beaucoup considèrent vous leur faites de l’ombre. Et si on a un homme qui a un gros ego, ça peut devenir un problème.

Les hommes prennent cher dans vos spectacles mais les femmes aussi…

Tout le monde prend. J’ai inventé la brigade anti-batards mais avant cela, je tacle les femmes sur leurs psychoses et leur fausse générosité. On aime nos hommes, on fait beaucoup pour eux alors qu’ils ne nous ont rien demandé et ensuite on leur demande des comptes. C’est de la générosité calculée. Il faudrait que les femmes donnent sans attendre en retour. J’ai pas mal de couples qui viennent au spectacle et ne se parlent pas au départ – je le vois parce que la nana met parfois carrément son sac entre son mec et elle ! – et qui repartent finalement sourire aux lèvres, bras dessus bras dessous, parce que le spectacle a évoqué à chacun ses défauts. Quand on rit,  on a envie de partager et c’est pour cela que le rire réussit à réconcilier des gens.

D’ailleurs, quel est le pire « test de psychopathe » que vous ayez fait à votre mec ?

J’ai carrément créé un faux profil facebook avec la photo d’une nana qui pourrait plaire à mon mec et j’ai commencé à discuter avec lui pour le piéger. J’ai google une photo « jolie brune avec formes voluptueuses » et j’ai choisi un nom sexy « Jessica Lopez ». Puis je lui ai parlé comme il aime bien, pas trop rentre-dedans, timide qui laisse des chances… Oui, je suis une authentique psycho ! (rires)

 

Nawell Madani, C’est moi la plus belge !

 

 

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