La bible video des fans de stickers en accès libre

un article pour Voir | publié le 16 mai 2017

Spécialiste de la street-culture (on lui doit notamment un documentaire sur Jon One), le réalisateur Alexis Deforges s’est lancé dans un projet pharaonique : décrypter la culture du sticker dans une web-série. Interview.

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Qu’est-ce qui t’a motivé à commencer un documentaire sur les stickers ?

Quand j’étais gamin, et que je faisais du Skate, les stickers c’était un morceau de Californie, on les trouvait dans les magasins spécialisés et ils étaient vendus! Ils avaient une valeur pécuniaire importante et une énorme valeur affective. Ils permettait de customiser nos agendas, nos scooters etc… C’était comme un manuel de graphisme. Les couleurs, les typos, les formes… Et puis les messages implicites et explicites des visuels nous inspirait une forme de rébellion ou au moins, d’anti-conformisme… Puis, j’ai construit toute ma carrière professionnelle entre l’industrie des Boardsports, la musique et l’Art. Comme beaucoup de gens qui gravitent dans cette sphère je possède plusieurs boîtes de sneakers remplies de stickers (des 80’s jusqu’à aujourd’hui).

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Mon background un peu hybride faite de marketing et de production d’images, m’a donné cette vision claire du sticker comme un élément central de la culture street. De Santa cruz à Ninja tunes en passant par Obey et en finissant par Mélenchon, il m’est apparu que le sticker était un outil qui appartenait à la rue et qui le restait, car les strates mercantiles de l’Art ne peuvent pas facilement spéculer sur des oeuvres produites en aussi grande quantité.

STICK TO IT – A STICKER ANTHOLOGY presentation… from Alexis Deforges on Vimeo.

Le sticker c’est l’expression individuelle à la portée de tous… Plus encore que le graffiti !Je voulais retracer les grandes lignes de son histoire te mettre un peu de lumière sur les grands noms et les multiples acteurs de cette sphère culturelle en ébullition.

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Dans ton documentaire, ils sont présentés comme de l’art. Qu’est-ce qui différencie un sticker commerciale d’un sticker arty selon toi ?

Il n’y a pas de différence. Comme le dit Chris RWK, un artiste hyper actif de la scène newyorkaise: « Un sticker est une mini toile ». Il y a juste 2 catégories: les stickers sérigraphies et les stickers fait à la main. Evidemment, il y a un « truc en plus » lorsqu’un artiste te donne de la main à la main une de ces productions. Ce cadeau fait de toi son ambassadeur, tu peux décider de le garder ou bien de le coller, d’exprimer ta fibre créative et de transformer ton environnement…

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A ton avis, quel as été l’âge d’or du sticker et pourquoi ?

Une notion qui revient souvent dans les interviews, c’est : « avant internet, on utilisait le sticker pour ceci ou pour cela… ». Shepard Fairey le présente comme un outil de transmission, Eric hAze comme une carte de visite, Eli Morgan Gesner comme un virus qui se propage, CJ Ramone comme un moyen de localiser tes potes au gré des tournées… Il y a toujours cette idée que le sticker est un véritable média qui lie les gens. Les possesseurs du même modèle forment une communauté, non digitale. A mon sens, l’âge d’or du sticker… C’est maintenant ! Enfin depuis environ 2010, depuis que le Street Art est célébré comme le mouvement artistique majeur de la fin du XXeme siècle, jusqu’à aujourd’hui. En plus, la permissivité récente des villes concernant l’expression individuelle dans les espaces publiques est exponentielle… On voit donc de plus en plus de stickers. La créativité est exprimée de façon concrète, dans un espace physique puis elle est amplifiée dans l’espace virtuel ou digital par les réseaux sociaux. Rien à voir avec la VR… pour l’instant!

STICK TO IT – A STICKER ANTHOLOGY (teaser) from Alexis Deforges on Vimeo.

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Comment as tu choisi tes intervenants ?

Comme dans toutes les communautés, les amis de tes amis sont tes amis… Cette histoire commence avec 3 personnes. 3 amis. Je suis pote de longue date avec Dave Kinsey de Los Angeles, qui est un ami proche de Shepard Fairey. Il faisait du collage avec lui dès les premières heures jusqu’à ce qu’ils montent une galerie ensemble à Los Angeles. Et puis les mails, les rencontres et Instagram ont fait le reste…

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Ce sont des américains que tu as interviewé : est-ce que tu penses pouvoir faire aussi des épisodes sur des Français ? Ou est-ce que les Français n’ont pas assez cette culture ?

Hahaha, non, en réalité, j’ai interviewé beaucoup de Français et d’Européens, notamment les gars du 9ème concept (Stephane Carricondo, Jerk45 et Ned), ou encore Wally Rozell, un historien spécialisé dans la propagande politique… mais ces épisodes sont encore en cours de finition. Après, tu as raison sur le fait que ce mouvement « vient des Etats unis », comme le veut l’expression consacrée. Mais comme pour le skate ou le punk rock, d’autres zones géographiques se sont appropriées les méthodes et ont créé leur propre version de ce mouvement…

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Est-ce que le t-shirt à message et le sticker sont finalement cousins ?

Non, pas vraiment, dans le sens, où le sticker… on le donne. C’est un paramètre essentiel. On le donne à un gamin qui va le garder précieusement dans une boite de chaussure, ou le coller sur la porte de sa chambre pour marquer son territoire, à un ado qui va le coller sur son scooter pour être le mec le plus cool du lycée, et évidemment à un skateboarder qui va le coller dans la rue pour modifier l’espace urbain selon ses goûts personnels… Et quand tu le colles dans la rue, c’est un don que tu fais aux autres citoyens. Il peut être graphique ou porteur d’un message politique… Alors que le tee-shirt à message est plus un élément de différenciation individuel, un truc pour affirmer son identité de façon exclusive: « je suis comme ça et pas vous »…

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Le sticker est-il aujourd’hui sorti de la street culture pour appartenir à la pop culture, plus maintsream ?

Le sticker reste un outil de communication qui appartient à la rue et à « monsieur tout le monde »… A chaque fois que les grosses marques et les institutions essaient de copier et de profiter de ce genre de culture, qu’elles ne maîtrisent pas puisqu’elles ne la vivent pas, elles le font tellement mal que cela fait naturellement la part des choses… Comme pour la musique, l’art urbain et même la mode vestimentaire, il y a et restera toujours deux forces qui s’opposent, les petits et les grands… Shepard Fairey le dit très bien à la fin d’un des épisodes: « Le street Art… Il y aura toujours ceux qui voient de la valeur dans ce que tu fais et toujours ceux qui s’y opposent… La solution? Just take it to the street ! »

STICK TO IT – a sticker anthology – STICKY COMMUNITY episode from Alexis Deforges on Vimeo.

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