John Casablancas: l’homme qui aimait les femmes

un article pour Voir | publié le 29 mars 2019

John Casablancas aimait les femmes… surtout si elles s’appelaient Stephanie Seymour, Naomi Campbell ! Voici la grande histoire du fondateur de l’agence Elite.

A un journaliste américain qui lui affirmait « vous avez le meilleur métier du monde », John Casablancas claironna en réponse un « en effet» tonitruant. C’était le milieu des années 80 et le fondateur de l’agence de mannequins Elite s’était construit un empire qui conciliait la fête non stop, des millions de dollars et être entouré des femmes les plus sublimes du monde.

La vie de John Casablancas est une véritable saga mise en scène dans une sorte de docu-fiction Casablancas, L’homme qui aimait les femmes par Hubert Woroniecki, ancien agent de mannequins à Elite et ami du playboy. Grâce à des images inédites d’archives de la collection personnelle de Casablancas, de quelques dessins et de la voix du fondateur d’Elite en fil rouge narratif, il parvient à dresser le portrait d’un homme dont les femmes ont défini et modelé la vie. Et si le documentaire pêche parfois par manque de contradicteurs dans la personnalité de celui que la presse appellera « Dr Frankenstein », il a le mérite de nous faire voyager en insider dans la jet set des années 80/90, ainsi que  nous montrer les coulisses de l’émergence de super-modèles façonnées par Casablancas, Cindy Crawford, Naomi Campbell, Claudia Schiffer, Karen Mulder et l’implacable Stephanie Seymour… Toutes les icônes sensuelles de nos années lycée !

 

Généalogie d’un playboy

« Tout le monde pense qu’il était un grand playboy couchant avec toutes les plus belles filles du monde parce qu’il était le patron d’Elite… Alors que c’est l’inverse : c’est parce qu’il couchait avec toutes les plus belles filles du monde qu’il a monté Elite » décrypte Hubert Woroniecki « Il ne savait pas quoi faire d’autre. Son rapport aux femmes a influencé sa vie. » Catalan né par hasard à Manhattan en décembre 1942 de parents issus de la très haute bourgeoisie industrielle espagnole, John Casablancas passe son enfance entre les Etats-Unis, le Mexique et l’Europe. Son destin était tout tracé : il allait être banquier ou reprendre l’empire familial. Mais sa passion pour les femmes fait tout déraper « Il a couché avec une des bonnes de son collège très huppée de Suisse, le Rosey, et cela s’est su. Il a été renvoyé et cela l’a empêché d’aller dans des très grandes écoles, Yale ou Harvard, comme ses autres camarades. Si il n’avait pas couché avec cette fille, son destin n’aurait pas été le même… » révèle le réalisateur.

« Qui est cette femme spectaculaire ? »

Chassé des élites traditionnelles, John Casablancas se marie avec une française et fait du marketing pour Coca au Brésil, avant de s’installer à Paris à la fin des années 60. Il zone alors dans un quartier latin en ébullition : c’est la révolution de 1968. Les jupes courtes des Parisiennes qui s’envolent dans la chaleur de l’été seront fatales à son premier mariage. Il s’installe à l’hôtel et drague tout ce qui passe jusqu’à ce qu’un jour, il remarque « une femme spectaculaire » dans le hall. Renseignement pris auprès du réceptionniste de l’hôtel, il s’agit de  Jeanette Christjansen, sublime mannequin danois. Elle est accompagnée d’un photographe, Gunnar Larsson. Il couche avec Jeannette et sympathise avec Gunnar. Les deux lui donnent l’idée de fonder sa première agence. Sa vie sera désormais dédiée aux femmes et plus particulièrement aux plus belles d’entre elles. En 1972, l’agence Elysées 3 voit le jour à Paris.

Donner un nom au mannequin

Son père a donné les premiers capitaux pour fonder Elysées 3 mais hélas, celle-ci très novatrice dans son approche de présenter les mannequins ne décolle pas. Qu’importe John est joueur, très joueur. Il peut mettre sur le tapis tout ce qu’il a gagné dans le mois sur une seule carte. Il refonde une autre agence appelée Elite à Paris. Son idée ? Prendre seulement les plus belles filles du monde et faire monter très, très haut les prix. «  Il s’est rendu compte qu’à partir du moment où on pouvait nommer un mannequin, lui donner un prénom et se rappeler son histoire, sa valeur augmentait » décrypte Hubert « John était plus un businessman qu’un agent de mode. Son idée de génie a été de se dire : je vais augmenter leur notoriété et vendre plus cher leur image. En cela, John a été l’un des acteurs principaux de l’émergence des tops-models dans la pop culture ». Grâce à lui, les filles récupèrent un nom derrière leur prénom : Naomi Campbell, Cindy Crawford, Karen Mudler ou Stéphanie Seymour. Le second apport du Dr.Frankenstein des tops dans le monde du mannequinat est son goût pour les femmes qui a modelé le profil des filles de l’agence « Elite a beaucoup représenté des femmes-femmes avec des formes, mais aussi des femmes plus typées, des brunes, des blacks… » se rappelle Hubert « Dans les années 70, si vous n’étiez pas suédoise avec des yeux bleus, vous ne travailliez pas. John a changé cela. » Enfin, son troisième coup de maître est de faire d’Elite l’agence des stars, de la fête et du glamour: il signe Patti Hansen, la mannequin qui vient de se marier avec Keith Richards (même si elle ne veut plus travailler) et organise les « t-shirts party ». Pour rentrer dans ces soirées où toutes les mannequins de l’agence et les plus belles femmes de Paris étaient présentes, il fallait arriver vêtu du t-shirt Elite. On fait la queue, on se bat pour danser côte à côte de ces déesses à tel point que même les medias viennent y faire des reportages. L’agence devient la plus branchée de la place de Paris.

120 millions de dollars

Le succès de Casablancas est phénoménal et il installe Elite aux Etats-Unis avec la même recette. Les autres agences, en particulier Ford, grincent des dents mais leurs attaques ne font que booster la popularité du playboy. Au début des années 90, son chiffre d’affaire global atteint 120 millions de dollars annuel (le triple de son concurrent principal), et l’agence possède des bureaux dans 35 pays. John Casablancas ramasse énormément d’argent mais rend aussi les filles très riches : jamais les mannequins n’ont autant gagné que du temps de la splendeur de Casablancas. A tel point qu’en 1990, Linda Evangelista dira même «Je ne sors pas de mon lit pour moins de 10.000 dollars».  En parallèle, John ouvre les écoles de mannequinat «John Casablancas», dont une centaine aux Etats-Unis sont toujours en exercice, ainsi que le concours, mondialement connu, «The Look of the Year» qui accueille chaque année 300.000 candidates venant de 60 pays. John est au sommet et rien ne semble l’arrêter… sauf les femmes évidemment.

Renversante Stéphanie Seymour

John est très amoureux de Janette sa compagne, avec qui il a eu d’ailleurs un fils, Julian, le futur leader des Strokes…. Mais son goût pour les jeunes femmes ne faiblit pas. Et un jour, il tombe foudroyé d’amour. Il a 42 ans, elle en a 16 et s’appelle Stéphanie Seymour. Il quitte sa femme 6 mois plus tard « Il est certes sorti avec  Stéphanie Seymour alors qu’elle avait 16 ans, mais lorsque vous regardez des photos de Stéphanie, ce n’était pas vraiment une brindille » le défend Hubert Woroniecki « Je les ai connu tous les deux à cette époque à Ibiza : c’était déjà une femme. La plus divine femme que j’ai vu dans ma vie. Après je pense effectivement que le fait de quitter Jeanette a été une grande erreur ». Le scandale aux USA est énorme et cette histoire d’amour laisse John au fond du trou lorsque Stéphanie le quitte peu de temps après, la veille de Noël. Il enchaîne alors les aventures sans lendemain avec des gamines et se noie dans la fête. L’image sulfureuse du patron sert malgré tout à l’agence en introduisant une odeur de sexe, de soufre autour d’Elite. Et il en rajoute une couche en imposant que les quatre classiques photos des débutantes, pour l’agence, soient complétées d’une cinquième avec l’apprenti-mannequin à quatre pattes.

 

Coke et prostitution

Peut-être est-ce d’ailleurs à cause de cette image sulfureuse que tout le monde va croire sans trop se poser de questions à un reportage bidonné de la BBC en 1999. Un journaliste suit Gérard, le patron de la section parisienne d’Elite (que Casablancas avait toujours détesté), et insinue à travers un montage tendancieux que l’agence et le concours Elite look of the Year  ne sont qu’une couverture pour prostituer des jeunes filles, tandis que la coke coule à flot. Le scandale frappe Elite et toutes les agences de mannequins. Le reportage est interdit et John n’est même pas cité dedans, mais l’image de l’industrie de la mode est entachée par les mœurs glauques de certains de ses protagonistes. John Casablancas explique alors à Paris Match que ce reportage l’a rendu «physiquement malade». Dégouté, il vend ses parts de la société en 2000  et part s’installer à Rio avec sa nouvelle femme  Aline Wermelinger, la gagnante de 17 ans du concours «Look of the Year» 1993 (il en avait alors 52) et leurs trois enfants –John Jr, Fernando Augusto et Nina.

« Je sors de chez le docteur, il me reste six mois »

« Il connaissait ses défauts et il assumait très bien qui il était. Jusqu’à son dernier souffle, ça a été les copains d’abord, la fête, le jeu et les femmes. Tout sauf la drogue qu’il détestait. Il a été un amoureux des femmes jusqu’à son dernier souffle … Il était assez étonnant pour ça. » confie Hubert qui l’a côtoyé dans les derniers mois de sa vie pour finaliser le documentaire. Tout a du effectivement aller très vite dans ce projet « il m’a appelé un matin pour m’annoncer sa maladie : « Je sors de chez le docteur, il me reste six mois. J’ai tenu à lui montrer une première version du film avant sa mort. » Dans ses derniers échanges avec Hubert Woroniecki, il aura ces mots qui résume bien son existence « rien de ce que j’ai fait n’a changé le monde mais une chose est sure : je me suis bien amusé en le faisant ». Après une vie de fête non stop, John Casablancas est décédé des suites d’un cancer en juillet 2013 à 70 ans.

Casablancas, l’homme qui aimait les femmes, un film documentaire de Hubert Woroniecki, est sorti le 29 juin 2016… et désormais dispo sur Netflix.

 

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