L’invité de la semaine: Pierre Deladonchamps n’est plus un inconnu (du lac)

un article pour Voir | publié le 22 août 2016

A l’affiche de deux films, Le Fils de Jean et Eternité, en cette rentrée, Pierre Deladonchamps nous a parlé de ses choix de carrière, son image arty après l’inconnu du lac (et son cesar) et de l’importance de la famille au sens large du terme.

deladonchamps

 

L’année 2016, on dirait que c’est ton année avec 3 films ?

Il y a eu la série télé Trepalium, Le Fils de Jean et Eternité. Et j’ai tourné cet été pour André Techiné, un film avec Celine Sallette qui va s’appeler Nos Années Folles. C’est adapté d’un bouquin qui s’appelle la garçonne et l’assassin.

Tu as attendu pendant longtemps et d’un coup toutes les portes s’ouvrent. Tu le vis comment ?

C’est un métier que j’ai voulu, puis plus voulu… parce qu’il y a eu des hauts et des bas. J’ai eu beaucoup de vache maigre. A un moment donné, j’avais l’impression de passer mon temps à attendre et à ne servir à rien. Car quelque que soit le métier qu’on fait, quand on ne le pratique pas, c’est très dur. J’avais même décidé de changer de vie : en 2010, je suis retourné vivre à Nancy. Parce que je me suis dit, il serait temps d’arrêter d’attendre et de commencer à faire. Et le cinéma est venu me repêcher en 2012 pour tourner l’inconnu du lac. Ce film a changé ma vie de manière personnelle et professionnelle. Il a tout bouleversé de manière très positive. Par la suite, j’ai eu la chance de travailler avec un grand metteur en scène, d’être bien dirigé et d’avoir été apprécié dans ce rôle. Les portes se sont ouvertes…

 Il y a eu un effet césar ?

Je ne sais pas d’ou viennent les choses. Il n’y a pas de règle. Il y a des gens qui travaillent tout de suite sans avoir de Cesar, d’autres qui en ont un et on attend plus parler d’eux après. Il faut faire attention à ce label Cesar… Pour moi, j’ai eu la sensation… Comment dire ? C’était un espoir et il fallait le mériter après coup. Il fallait être à la hauteur par la suite.

 Comment est venu le projet du fils de Jean ?

J’ai lu le scénario dans sa globalité en me focalisant sur le personnage qu’on me proposait, mais pas que… Ensuite, la rencontre avec la réalisatrice ou le réalisateur est déterminante parce que j’estime que c’est important de savoir avec qui on va travailler pendant longtemps. J’assume le fait de privilégier une relation basée sur la confiance.

Dans le Fils de Jean, tu joues encore un personnage trouble…

Par la force des choses, il est obligé de cacher son identité auprès de ses frères parce qu’on lui demande de ne pas leur dire sa véritable identité. C’est un garçon qui a été élevé par son beau-père. Il n’a pas connu son père biologique et quand il apprend qu’il est décédé et qu’il avait d’autres enfants, va courir les rencontrer. Pour lui, ça devient la promesse d’une famille. C’est un rôle qui m’a beaucoup plu parce que je suis sensible à l’idée de famille, des racines… d’où on vient et avec qui on va. Je pense que ça m’aurait beaucoup perturbé de ne pas savoir qui est mon père ou ma mère. Il y a toujours une quête de la part des enfants abandonnés…  Même si Les parents, c’est aussi ceux qui vous élèvent, pas ceux qui vous font. Le sujet m’est très cher, très sensible. La quête initiatique … se connaître mieux soi-même à travers les autres.

 Tu as une grande famille ?

Moi j’ai 3 frères et des sœurs avec qui on n’a pas les mêmes parents. On a pas été élevé ensemble au début de notre vie mais pour moi, ça a été une évidence qu’ils faisaient partie de ma famille quand on a habité ensemble. La famille, il y a celle qu’on a et celle qu’on choisit.

Tu as conscience de cette impression que tu peux donner parfois, d’être assez insaisissable ?

Non, je n’en ai pas conscience. En tout cas, ça me fait plaisir parce que je crois que c’est pour cela que les réalisateurs me font confiance. Ils peuvent projeter sur moi les personnages qu’ils ont créé. Mais je ne le maitrise pas du tout… Je m’éloigne toujours de ce que je suis dans les rôles. J’ai vraiment à cœur de composer quelque chose et de ne jamais faire la même chose. Lorsque je vois un film et que je vois trop l’acteur et sa personnalité, ça me déplait. Après, il y a des natures comme Depardieu chez qui ça passe toujours très bien !

Comment est-ce que tu prépares les rôles ?

Je lis beaucoup, j’annote… mais j’essaie de ne pas trop composer avant. Je veux me surprendre le jour du tournage. Parce que c’est plus frais, plus sincère à mon sens. Je ne veux pas arriver avec quelque chose de pré-emballé. Je laisse le metteur en scène me modeler.

Tu arrives à sortir des rôles très facilement ?

Ca dépend des rôles et ça dépend des jours. Par exemple, sur le film de phillipe cluadel, où j’avais un rôle de composition très poussé, il y a des fois où je suis sorti des journées de tournage dérouté. Parce que je me plonge corps et âme dedans. En même temps, c’est jubilatoire parce qu’on touche à quelque chose de grand. Chaque rôle te construit.

Est-ce que tu as un fantasme de rôle ou de réal ?

Oui… mais par principe, je ne les cite jamais. Si j’ai envie de travailler avec quelqu’un, je vais plutôt lui écrire que le déclarer dans une interview. Il faut que ça reste personnel. Je n’aime pas les effets d’annonce. En terme de rôle, je cherche l’éclectisme pour ne pas m’enfermer.

Aujourd’hui, tu as pourtant une image très arty ?

C’est grâce à l’Inconnu du Lac. C’est le film qui m’a fait mettre le pied à l’étrier du cinéma. C’est un film qui a été adulé par les cinéphiles. Il a marqué les esprits. Mais je n’ai pas l’attention de rester enfermé dedans. Avec Zabou aux césars, c’était un petit signe qui voulait dire, j’ai envie de faire ça aussi. Le simple fait de susciter le rire chez un spectateur, ça me plairait beaucoup. C’est plus dure de faire rire que de faire pleurer. Mon image, je n’arrive pas trop à la palper. Et j’essaye en plus de ne pas l’intellectualiser. Les choses se font ou pas… Et il se trouve qu’il y a une cohérence dans les choses que j’ai faites. C’est tout. Ce qui pourrait me peiner, c’est qu’on ait une image tronquée de qui je suis vraiment. Je n’aimerai pas qu’on pense que je suis quelqu’un de distant et de hautain parce que ce n’est pas vrai. D’ailleurs si je peux prouver le contraire, je le ferai.

 Il y aura une suite à Trepalium ?

Il n’y a pas de suite. La productrice a préféré travailler par univers. Trepalium évoquait le problème du chômage. Puis elle va faire une autre collection, une série qui s’appellera Ad Vitam basée elle sur la jeunesse éternelle et le vieillissement de la population. Elle travaille avec des thèmes différents, et donc des personnages différents. C’est un peu frustrant parce que beaucoup de monde attend la suite, mais c’est comme ça.

 C’est important pour toi de vivre à Nancy ?

J’ai vécu 8 ans à Paris et je suis reparti à Nancy, la lorraine, dans ma région natale. Je suis content de venir à Paris et je suis aussi content d’en repartir ! C’est à 1H30 de TGV seulement. J’avais envie d’un côté paisible que j’ai à Nancy. Je suis bien là-bas. J’aime l’idée d’être entouré de mes proches.

 L’angoisse du non coup de fil t’a passé avec le succès ?

Ca nous quitte jamais vraiment. Il y a des périodes où on le ressent moins… On est choisi ou pas. Il y a toujours cette idée du désir, autant celui qu’on suscite, que celui que nous on a . Ca fait partie de notre métier. Je m’en inquiète de moins en moins. C’est l’avantage aussi d’être un homme : la maturité t’amène des beaux rôles, ce qui n’est pas forcément le cas pour les femmes actrices.

C’est une injustice par rapport aux femmes…

Un homme, c’est comme un bon vin et une femme, c’est comme une fleur… C’est une injustice, oui. On demande aux femmes une sorte de fraicheur et quand on juge qu’elle l’a perdue, c’est beaucoup plus dure. Ceci dit, les grandes actrices ont certes une petite traversée du désert, mais elles reviennent encore plus fortes par la suite. On voit justement qu’un travail s’est opéré et que ce travail les rend encore plus majestueuses.

Le fils de Jean, Un film de Philippe Lioret
Avec Pierre Deladonchamps, Gabriel Arcand et Catherine de Léan
Sortie le 31 août

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