L’invité de la semaine: Lescop, sur le fil du rasoir
Dans un monde où la communication 2.0 et le marketing de soi-même obnubile tout à chacun, qu’il est bon, non vital !, de se retrouver face au tranchant punk de Lescop. Et comme nous lui portons une admiration démesurée, voici pour vous une longue interview … En attendant peut-être de le voir en concert car l’animal est en tournée en ce moment dans l’hexagone !
Sec comme un coup de trique, quelques cernes sous les yeux fiévreux, un visage taillé à la serpe : Lescop incarne dans son corps sa musique. Brûlante, minimaliste, sans concession, poétique. Comme elle, il peut s’avérer brutale, se refuser à la facilité d’une question, et enthousiasmer par sa finesse dans le propos et son intégrité… Pour Lescop, l’honnêteté artistique est en effet érigée en étalon suprême du talent et du beau en contrepied primordial d’une société qui adore le factice et les filtres. Chacun de ses mots est choisi au millimètre, alors que la mode est à la déferlante d’images et de sons où se noyer. Le berrichon de 37 ans abhorre les artistes qui se foutent de la gueule de leur public en leur vendant des produits frelatés : de la chanson française en daube, des albums à la saveur de lessive et des prestations scéniques de feignasse. Mais l’époque n’est pas à l’effort de sincérité. On préfère l’esbroufe. La preuve ? Le nombre restreint de followers sur les réseaux sociaux de ce grand artiste français.
Pourtant, qu’il serait dommage que le Grand Public passe à côté d’Echo, second album intense de ce Monsieur, héritier direct d’Etienne Daho ou de Daniel Darc ! Lescop est l’un des rares qui arrivent à trousser la langue de Molière de telle manière qu’elle retrouve sa poésie et sa modernité au milieu du rock électronique. Un de ces artistes essentielles qui remuent les tripes, en rappelant combien il est bon de brûler plutôt que de tiédir au fur et à mesure de ses renoncements. Il joue aussi en maestro les rencontres tardives qui enflamment la nuit, la bizarrerie assumée, les obsessions…
Il arrive à l’interview tout esquinté, les mains saignantes. Une voiture vient de le renverser en vélo et un sacré vol plané s’en est suivi. Il ne semble pas s’en inquiéter plus que ça. Il a hâte de parler de ce second album, quatre ans après le séminal Lescop, son premier effort solo qui contenait ce fabuleux tube, la forêt.
Comment travaillez-vous vos morceaux ?
J’écris toujours les paroles en premier et seul. On travaille ensuite en studio avec Johnny Hostile pour composer l’armature de la chanson à la basse. Puis nous l’habillons peu à peu… mais on garde toujours les poutres apparentes ! (rires)
Au moment du second album, les artistes ont souvent la manie d’ajouter un max d’instruments. Pour vous, on a l’impression que ça a été exactement le contraire, vous êtes allé vers encore plus de dépouillement…
J’aime tout ce qui est minimal. Plus tu te connais en tant qu’artiste, plus tu sais où tu vas et moins tu as besoin d’en rajouter mettre. Tu peux tracer des lignes claires… Souvent ce qu’il y a en plus, c’est ce qu’il y a en trop. Ca sert seulement à te cacher. Comme dit Johnny Hostile avec qui j’ai produit l’album, « il faut savoir maximiser le minimalisme ». Ceci dit, si le squelette t’a semblé minimale, les chansons sont constitués en vrai de beaucoup de couches. Mais c’est fin… Il n’y aucune surenchère. La surenchère, c’est le piège du deuxième album parce qu’on te met la pression – ou d’ailleurs tu te la mets tout seul – , du genre « maintenant il faut que je passe le cran supérieur ». Pour moi, le cran supérieur, c’est aller encore plus à l’os, pour être plus fort. Cette démarche minimaliste ne pardonne pas. Tu ne peux pas te cacher derrière des arrangements quand tu n’as pas une bonne chanson…
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